Du blanc.
Une lumière aveuglante. Une pièce close. Une prison ? Pire que ça, un enfer. Solitude. Ténèbres. Peur. Toujours plus de peur. Est-ce une vie ? Comment peut-on accepter de vivre ainsi ? On n’accepte pas. On survit. On attend que le temps passe. Enfermée dans une cage. Avec d’autres enfants qui pleurent. Chacun porte un bracelet doré, comme le tien. Ils se plaignent. Cela t’insupporte. Ils supplient leurs mères. Cela t’agace. Personne ne les entend. S’apitoyer sur leur sort ne les avancera à rien. Tu restes dans ton coin, immobile. Le regard perdu dans le vide. Et tu attends. Que le temps passe. Que les pleurs cessent. Que ce soit ton tour. Ils sont comme toi, abandonnés par leurs parents. Tu les trouves ridicules. Tu aimerais qu’ils arrêtent de pleurnicher. Mais tu ne dis rien. Chaque jour, ne nouveaux partent. Plusieurs, à chaque fois. « Quand cela sera-t-il mon tour ? », « Quand saurais-je où ils sont emmenés ? », « Quand mettra-t-on fin à ma solitude ? ». Tu n’as que ces questions pour t’accrocher à la vie. Pour surmonter ton impatience. Ceux qu’on emmène ne reviennent jamais. Et d’autres arrivaient. Les vas-et-viens ne s’arrêtent pas. Tu n’es plus capable de peur ni de tristesse.
Et ce fut ton tour.
Tu ne ressens rien. « C’est mon tour », est tout ce que tu te dis. Tu te lèves et sors. Tu dois être la seule à ne pas t’être fait tirer dehors par la force. A accepter de sortir en marchant seule. La tête haute. Une coupe vide. Même la mort ne t’effraie pas. Un lit. Tu y es attachée, mais tu ne bouges pas. Tu te contentes de fixer cette lumière au dessus de ton crâne, comme si elle était ton salut. Tu n’as pas peur. Jusqu’à cet instant.
Autour de toi, on s’agite. Apparemment, d’après ce que tu comprends, il a eu un évadé. La curiosité t’emporte, tu tourne les yeux vers l’écran. Et tu la vois. Cette chose. Cette masse difforme qui se déplace en poussant des cris stridents. Et qui porte un bracelet doré. Et tu comprends. Et tu as peur. Des larmes. Ils le tuent. Tremblements. Il y en arrive des tas d’autres. Peur. Ils t’emmènent. Défense. Tu remues sur ton lit. Tu tentes de t’en sortir, sachant que c’est sans espoir. Une porte. Un cri.
« A l’aide ! »
Un flash. Blanc. Lumière aveuglante. Et plus rien.
Lorsque tu ouvres les yeux, tu es prisonnière à nouveau. Mais c’est une prison totalement différente. Tu es assise. Attachée. Reliée à une immense machine par une multitude de tuyaux. Tu retiens un soupire. Tu es encore là. Prisonnière. Mais vivante. Humaine, pas comme eux. « Pourquoi suis-je en vie ? » « Pourquoi ça n’a pas pris fin ? » « Quand cela cessera-t-il ? » Chaque jour, ils effectuent de nouvelles expériences sur toi. Sans que tu n’en comprennes le sens. Ils t’observaient comme un vulgaire objet. Décidaient de quand tu devais manger en t’envoyant des plateaux-repas. De quand tu devais dormir en éteignant les lumières de ta cellule. Seule dans le noir.
Puis, une lumière. Et une voix.
« Hey, tu es là ? »
Tu regardes la porte. La voix d’un jeune garçon. Il insiste, te demande s’il y a quelqu’un. Te traites de marginale et d’asociale. Tu lui cries dessus. Il te demande de lui parler. Tu lui demande son nom. Un nom. Rien qu’un nom qui pourtant sera ton salut, ton sauveur, ta délivrance.
Nice.
Quel nom bizarre. C’est ce que tu penses. Tu n’as jamais entendu un tel nom. Mais d’ailleurs, quand as-tu entendu un nom pour la dernière fois ? Et d’ailleurs, quel est le tien ? Tu n’en sais rien. Tu n’as plus qu’un numéro. Tu n’as plus de toi-même. Tu n’es plus humaine. Tu n’es qu’il objet. Il te demande ton nom. Tu n’en sais rien. « Comment t’appellent les gens ici ? ». Tu réfléchis. Tu n’es plus qu’une expérience. Une réussite. Réussite n°01. Il te force à te répéter. Tu t’énerves. Tu lui demandes ce qu’il veut, ce qu’il fait là. Il te répond de la manière la plus absurde qui soit ; parce que c’était « interdit d’entrer ». Idiot. Ton ventre crie famine. Tu as faim. Il s’en rend compte. Et passe par la trappe de tes repas, un hamburger. Il te dit de manger. Et il t’appelle par un nom que tu n’as jamais entendu. Hajime.
« Hajime… ? »
Hajime. Tu souris. Hajime. Des larmes. Tu manges enfin ce qu’il t’a offert. Des sanglots. Il t’a offert une identité. Il t’a fait revivre. Il t’a sauvée. Tu en as assez. Tu veux sortir. Tu n’as rien fait de mal. Tu tombes au sol, sans cesser de pleurer. Il ne peut pas comprendre ta douleur. Tu es humaine, toi aussi. Tu veux sortir. « Fais-moi sortir ». Il accepte. Vous irez dehors tous les deux. Tu ne veux plus être enfermée. Une promesse.
Le temps passe. Tu es seule, mais tu l’attends. Tu sais qu’il viendra. Et il vient. Il t’ouvre la porte. C’est maintenant ou jamais. Il te dit que tu es jolie. Et te tend la main. Vous voilà enfin réunis. Tu seras enfin libre. Vous courez à travers l’Institut, les gardes à vos trousses. Vous parvenez au mur. Tu grimpes à la corde. Encore quelques mètres. Tu y es presque. Les gardes arrivent. Tu monte toujours plus vite. Tu es presque dehors. Et on te tire sur la main. Tu vas abandonner. Tu as mal. Tu n’en peux plus. Il t’encourage. Tu veux sortir. Il te tend la main. Tu l’attrapes. Il te sourit.
Un coup de feu.
Et tout s’écroule. Il tombe du mur. Il ne bouge plus. Tu hurles. Tu descends. Tu le prends contre toi. Tu pleures. Tu cries. Il t’a abandonnée. Une vague d’énergie. Et tu tombes inerte, contre lui. Après cela, on t’a raccompagnée à Facultas. Tout était reparti de zéro. Tu n’avais plus d’espoir. Jusqu’à ce qu’un homme te fasse sortir. Master. Toi et une autre fille. Il vous a sauvées et vous a emmené au café Nowhere. Tu as grandi et t’es coupé les cheveux. Quelques années plus tard, tu as revu Nice.
Mais tu ne te souvenais pas de lui.
Tes souvenirs sont réapparus lorsque Cauchemar t’a emmenée dans les caves expérimentales où ces enfants transformés en bêtes étaient toujours là. Tout t’est revenu. Et les larmes coulent encore.
« Tout est de ma faute. »